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La Gardienne d'Ombre
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La Gardienne d'Ombre
  • Et si la magie existait ? Et si deux mondes étaient en parallèle ? Et si les gardiens du monde magique pouvaient vivre parmi nous ? Découvrez les premières page de mon roman La Gardienne d'Ombre et suivez Cécile au fil des mots.
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28 janvier 2010

II - 1

Il fallut à Cécile une vingtaine de minutes environ pour arriver à l’entrée du Chemin des Carrières. Il faisait sombre en cette fin de journée pluvieuse. Le chemin n’était pas éclairé. Ce n’était pas nécessaire. Il ne restait qu’une maison encore habitée sur les deux que comptait le chemin. Celle de son grand-père, autrement dit la sienne maintenant. Elle avait du mal à se faire à cette idée. Mais elle préférait cela plutôt qu’elle eut été vendue, ou léguée à sa mère qui l’aurait sûrement vendue de toute façon.

La grille métallique grinça lorsque Cécile l’ouvrit. Les ombres du crépuscule s’allongeaient dans le jardin et sur l’allée menant au perron et à ses deux demi-marches. Le vent frais chargé de pluie lui fouettait le visage. Elle accéléra le pas. Son sac de voyage n’était pas imperméable et ses prises de notes bien trop précieuses pour prendre le risque de laisser l’eau pénétrer à l’intérieur. Une fois sous l’avant-toit de la petite longère Cécile s’ébouriffa les cheveux et sortit sa clef. Elle la tourna dans la serrure. Le verrou cliqueta. Elle remit son sac sur son épaule et poussa la porte d’entrée.

Il faisait frais à l’intérieur, plus que dehors encore. Elle repoussa la porte derrière elle et alluma la lumière. Les volets étaient restés fermés. Il n’y avait pas d’entrée à proprement parler. On arrivait directement dans la pièce principale, la salle à manger en quelque sorte. Cécile posa son sac sur la table recouverte d’une nappe plastifiée à grosses fleurs marron et balaya la pièce du regard, comme pour voir si tout était en ordre et si rien ne manquait. La décoration et le mobilier étaient assez sobre et d’une autre époque. La tapisserie dont les motifs rappelait étrangement ceux de la nappe commençait à se décoller par endroits, des taches verdâtres de moisissures apparaissant dans les coins et au plafond.

- Il faudra faire quelque chose pour ça, se dit Cécile à voix haute.

Elle avait souvent tanné sont grand-père pour faire retapisser la maison. Il prétextait qu'il n'en avait pas le temps ou qu'il n'en voyait pas l'intérêt. C'était surtout qu'il préférait les balades au grand air plutôt que de rester enfermé à encoller du papier et poser des lais.

Elle se dirigea sur sa gauche vers une commode reconvertie en meuble à chaussure afin d’enlever ses bottes en cuir et de mettre des chaussons. Elle en avait toujours une paire ici. Pour les cas d’urgence disait en souriant son grand-père. Cécile tira sur le deuxième tiroir en partant du haut et mit ses pantoufles aux pieds. Elle resta un instant à contempler les chaussures du défunt, bien alignées, qui ne serviraient plus. Elle décida de ne pas y toucher pour le moment. Le grand ménage n’était pas pour tout de suite. Chaque chose en son temps.

Cécile déposa ses affaires, ou du moins son sac dans l’unique chambre que comptait la maison. Elle ne déferait pas ses affaires ce soir. Elle n’avait pas besoin de grand chose en dehors de son duvet pour dormir dans le grenier. Une idée qui lui était venue de manière très spontanée tant elle aimait cette pièce.

Cécile se réchauffa rapidement une conserve de ravioli. A peine fut-elle sortie du micro-onde que la jeune femme se hâta de l’engloutir s'en brûlant la langue et le palais lors des premières bouchées. Elle débarrassa la table sans faire sa vaisselle. Une mauvaise habitude d’étudiante se plaisait-elle à penser. Mais à vrai dire faire la vaisselle en temps et en heure n’avait jamais été son fort. Elle attendait fréquemment qu’une pile se soit formée dans l’évier et que les placards soient vides pour se décider et cela depuis toute petite. Sa mère ne portait pas grand intérêt aux tâches ménagères et Cécile avait du assumer la gestion de la maison dès son plus jeune âge.

La jeune femme sortit sa trousse de toilette de son sac et gagna le petit cabinet de toilette. Cette petite pièce avait été rajouté il y a quelques années seulement par le grand-père de Cécile afin d’accueillir sa petite fille dans de meilleures conditions. Il avait pour cela fait monter des cloisons en empiétant sur sa chambre. La salle d’eau ne comptait qu’une vasque blanche surmontée d’un miroir ovale et les sanitaires. Cécile se rappelait parfaitement le jour où son grand-père lui avait fait la surprise. C’était lors des vacances de Pâques, pendant son année de seconde. Elle s’était plainte à lui de ne pas avoir suffisamment d’intimité maintenant qu’elle grandissait et que faire sa toilette dans l’évier de la cuisine la dérangeait de plus en plus. Sans parler des latrines sèches à l’ancienne qui se trouvaient sur le côté de la maison. Gelées en hivers, emplies de mouches en été et effrayantes la nuit. Elle se souvint que quand elle avait dans les huit ou neuf ans et qu’elle s’estimait suffisamment grande pour ne plus utiliser le pot de chambre, elle courait le plus vite possible pour gagner ce qui servait de WC et ressortait encore plus vite qu’elle n’était entrée pour retourner se blottir sous sa couette, terrorisée. Cécile se lava les dents et se changea. Pour l’occasion elle avait ressorti un vieux pyjama en polaire gris avec un ourson floqué sur le devant qu’elle ne portait plus parce qu’il était un petit peu court. Il ne serait cependant pas de trop si elle voulait pouvoir dormir dans le grenier sans grelotter toute la nuit. En se regardant dans le miroir elle se promit de ne jamais le mettre en présence d’un garçon.

Elle prit soin de refermer la porte d’entrée à clef, son duvet sous le bras et une lampe torche à la main. Elle avait chaussé de vieilles tennis et s’était recouverte d’une grosse parka d’hiver. L’escalier menant au grenier se trouvait dans le garage. Dans le temps les combles étaient utilisés pour stocker le foin pour les lapins et les pommes de terre pour passer l’hiver. Lorsque Cécile ouvrit l’un des battants de la porte du garage elle ressentit un frisson qui parcouru toute son épine dorsale et lui donna la chair de poule. Elle se retourna. Elle avait l'étrange sensation d'être observée. Ses yeux habitués à l’obscurité scrutèrent le jardin et au-delà de la clôture. Il ne pleuvait plus et seule une légère bise brisait le silence de la nuit, animant les branches quasi nues des arbres et les feuilles mortes jonchant le sol. Rien ne bougea. Elle mit son frisson sur le compte de l’angoisse qui l’avait gagné au cours de l’après-midi. Elle savait que l’antidote serait l’odeur des livres et le balancement du rocking-chair.

Cécile rabattit soigneusement le loquet et ne monta qu’après s’être bien assurée de la solidité de ce dernier. Le sol du garage était en terre battue comme cela se faisait souvent dans les campagnes. La voiture de son grand-père, une Citroën Xsara bleu Léman métallisé, ne ménageait qu’un étroit passage jusqu’à l’escalier. Cécile monta la volée de marches inégales et abruptes avec une aisance particulière. Elle aurait pu atteindre le palier les yeux fermés sans trébucher ou buter dans une seule marche. Elle connaissait par cœur chacune d’elles et la manière dont elles se suivaient. Petite, ses pieds s’étaient de nombreuses fois heurtés au nez des marches. Mais plus maintenant. Plus depuis longtemps.

Assise, ses genoux ramassés contre son corps, emmitouflée dans son duvet, bercée par le balancement doux qu’elle imprégnait au rocking-chair, Cécile s’endormit rapidement dans la semi-pénombre. Les nuages poussés par le vent avaient suivi la pluie et l’astre lunaire dans son premier quartier transformait la noirceur de la nuit en un jeu de clairs-obscurs.

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