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La Gardienne d'Ombre
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La Gardienne d'Ombre
  • Et si la magie existait ? Et si deux mondes étaient en parallèle ? Et si les gardiens du monde magique pouvaient vivre parmi nous ? Découvrez les premières page de mon roman La Gardienne d'Ombre et suivez Cécile au fil des mots.
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6 janvier 2010

I - 4

 

Après avoir mangé un repas en silence dans un snack du centre-ville, elles prirent à pied la direction de la place Saint-Sauveur où se trouvait l’office notariale. Il faisait déjà froid pour la saison six ou sept degrés tout au plus. Il ne pleuvait pas mais le ciel menaçait depuis la fin de matinée. Les rues étaient plutôt calmes et les rares passant qui, comme elles, avaient eu le courage de mettre le nez dehors avançaient d’un pas vif en essayant de rentrer le plus possible leur tête dans le col de leurs manteaux pour se protéger du froid. Les premières gelées de la saison étaient annoncées pour la fin de la semaine. Conséquences directes du réchauffement de la planète et des gaz à effet de serre disaient les écologistes.

L’office notariale se situait au premier étage d’un ancien hôtel particulier du XVIIIème siècle en pierre de Caen. Rares sont les vestiges de cette époque dans une ville rasée à près de quatre-vingt dix pour cent lors des bombardements et des combats de juin à août 1944. Certaines photos d’archives de cette époque montrent une ville détruite en dehors de certains de ses monuments qui semblent étrangement intactes comme par exemple l’église Saint-Sauveur avec sa flèche surplombant toujours la ville malgré les ravages des bombes.

Les deux femmes poussèrent l’un des deux vantaux de la porte bleu cobalt sur laquelle était apposée la plaque du notaire Maître Landais et franchirent le seuil en prenant garde de bien lever les pieds.

Elles se retrouvèrent directement dans un vestibule peu lumineux. Le sol très inégal indiquait par son usure le chemin à suivre en direction d’un escalier. Les murs du vestibule étaient nus en dehors de deux appliques, une seule fonctionnait. Cécile laissa sa mère passer devant pour gravir les marches menant au premier étage. La jeune fille effleura la rampe de fer forgée surmontée d’une tablette en noyer du bout de ses doigts engourdis par le froid et le contact du bois l’apaisa légèrement, les marches de pierres et la balustrade métallique rendant l’atmosphère encore plus glaciale que le temps quasi hivernal.

Elles entrèrent après avoir sonné à la seule porte de l’étage. Une femme avec des cheveux coupés au carré, blonds cendrés, d’une trentaine d’années élégamment vêtue d’un tailleur bleu marine les reçu et les dirigea vers une petite pièce où étaient disposés cinq chaises ainsi qu’une table basse dans un coin et un présentoir rempli de livrets explicatifs sur les divers domaines d’intervention des notaires allant du contrat de mariage à l’achat de biens immobilier en passant par l’aide à la gestion du patrimoine des entreprises.

- Maître Landais va vous recevoir dans quelques minutes. Si vous voulez bien patienter, dit-elle tout en leur désignant les chaises d’un geste de la main gauche. Sa voix douce mais assurée collait tout à fait avec le personnage constata Cécile.

Elle sortit sans ajouter un mot tandis que Cécile se dirigeait vers la fenêtre en faisant mine de s’intéresser à ce qu’il pouvait se passer à l’extérieur afin d’éviter de croiser le regard de sa mère et d’avoir à entamer un semblant de discussion. Cette dernière s’assit au plus près de la porte et entreprit de vérifier si son maquillage n’avait pas besoin d’être retouché. Rien que pour ses manières Cécile la détestait.

Margarette Vreizh était une femme à qui la cinquantaine réussissait. Enfin c’est ce qu’elle pensait et ne cessait répéter à qui voulait l’entendre, surtout aux associés de son cabinet d’expertise comptable. Il est vrai que c’était une belle femme brune, un peu en chair – cela plaît aux hommes affirmait-elle – mais peu marquée par les ans. Son apparence, et ce que les autres pensaient d’elle, prenait une place conséquente dans son quotidien; et quel drame si les caprices du temps réduisaient à néant ses efforts pour maintenir son brushing.

Elle avait eu Cécile par accident, comme elle se plaisait à le répéter, avec un homme de passage qui n’avait pas reconnu sa fille. En fait il n’y avait jamais eu que des relations éphémères, une quinzaines de jours représentant déjà une longue idylle pour cette femme qui avait fait ce que les médecins avait appelé un déni de grossesse et qui du coup s’était retrouvée maman à trente ans passés, du jour au lendemain sans savoir quoi faire, s’en même y avoir pensé un seul instant. Elle avait déjà des difficultés pour s’assumer, changeant de lieu de travail tout les deux ou trois mois sans motifs, vivotant aux crochets de son père veuf depuis la naissance de sa sœur, elle même morte à l’âge de trois ans d’une méningite. Fuir devant les responsabilités était pour elle la seule façon de voir la vie. Voilà vraisemblablement pourquoi Cécile avait été plus élevé par son grand-père que par sa propre mère. Mais maintenant qui allait s’occuper de qui.

Dehors la pluie s’était mise à tomber en petites gouttes fines faisant luire les pavés de la place Saint-Sauveur. Le ciel d’un gris uni et triste donnait l’impression d’avoir abaissé son plafond au faîte des maisons entourant la place. Les phares des voitures commençaient déjà à s’allumer en dépit cette heure peu avancée de l’après-midi. Le réchauffement climatique ne réussissait véritablement pas à la Normandie. Enfin cela réjouissait au moins une personne. Cécile appréciait davantage la pluie que la plupart des gens. Elle n’aurait su l’expliquer. Peut-être était-ce à cause de ses nombreuses promenades avec son grand-père, encapuchonnées dans son ciré a attendre dans les bois que tinte la douce mélodie de l’eau sur les feuilles, les branches mortes, les pierres et le sol moussu. Elle aimait rentrer trempée jusqu’aux os et se réchauffer au près de la cheminée, que son grand-père n’allumait qu’en ces occasions, en savourant une tasse de chocolat chaud aromatisé à la cannelle.

Cécile se retourna en entendant les talons de la femme qui les avaient reçu claquer sur le parquet. Elle les invita à les suivre.

- Maître Landais est prêt à vous recevoir, leur dit-elle.

Elle les laissa passer devant elle pour entrer dans le bureau et referma délicatement la porte derrière elles. La pièce était assez spacieuse et surtout très richement décorée. L’atmosphère y était chaleureuse, de petites lampes disposées à divers endroit dans la pièce diffusant une lumière feutrée mais suffisante pour que les yeux n’aient pas à forcer pour lire.

Maître Landais se leva de derrière un bureau double face massif en acajou recouvert d’une plaque de verre sous laquelle était placée une copie d’une ancienne carte du monde.

- Bonjour mesdames, asseyez-vous je vous pris, dit-il en leur serrant fermement la main et en désignant les deux fauteuils face à lui.

Il se rassit à son tour et repris.

- Comme je vous l’ai expliqué par téléphone votre père et grand-père – il tourna la tête de l’une à l’autre des deux femmes – m’a chargé de vous transmettre son testament. Ses dernières volontés en quelque sorte.

Cécile avait du mal à donner un âge à cet homme tant la blancheur de ses cheveux contrastait avec la vivacité de son regard et de ses paroles. Sa peau légèrement halée était peu marquée. Il portait un costume noir très sobre avec cravate assortie sur une chemise ivoire à col anglais.

- Voici donc le document en question daté d’il y a deux mois environ, précisément le 5 septembre 2008 et signé de la main de Monsieur Alfred, Jean, Marie Vreizh. Il déclare léguer à Madame Margarette, Jeanne, Bernadette Vreizh deux comptes en banque respectivement de vingt-sept mille trois cent cinquante-deux euros et vingt-six cents pour le premier et de dix-huit mille six cent quarante-deux euros et trente-deux cents pour le deuxième, et à Mademoiselle Cécile, Anne, Marie Vreizh sa maison Chemin des Carrières à Feuguerolles-Bully ainsi que tout ce qui s’y trouve, énuméra-t-il de sa voix claire articulant chaque mot sur un ton très cérémonial semblant sortit d’une autre époque.

Les deux femmes réagirent très différemment l’une de l’autre. L’une affichait un large sourire devant la somme qui l’attendait, quasiment quarante-six mille euros. Le calcul était rapide pour qui manipulait les chiffres à longueur d’années. Et nombreuses étaient les idées qui lui venaient à l’esprit pour les dépenser. Cécile quant à elle restait abasourdie, la bouche entre-ouverte, le regard troublé. Sa maison. Son grand-père lui laissait sa maison. Et tout les trésors qu’elle abritait pour certains depuis deux générations.

- Monsieur Vreizh a également pris en compte tout ce qui concerne les frais des droits de succession. Si vous acceptez les legs je vais vous demander de bien vouloir parapher de vos initiales en bas de chacune des pages et de signer la dernière. Si vous le voulez bien, dit-il en leur tendant à chacune plusieurs exemplaires de l’acte testamentaire et un stylo bille bleu.

- Et si l’on ne désire pas signer ? demanda Cécile.

La question était sortie de sa bouche sans passer par son cerveau songea-t-elle. Sa mère la fusilla du regard, tandis que le notaire ne sourcilla même pas. Elle ne devait pas être la première à s’interroger sur le devenir d’une dotation en cas de refus des héritiers. Bien que la question se posa surtout lorsqu'il existait des dettes associées.

- Dans ce cas les biens reviennent à l’Etat français qui décide ensuite de ce qu’il convient d’en faire, répondit-il sereinement. Pour un bien immobilier il est le plus souvent revendu aux enchères.

Margarette Vreizh en arrivait déjà à parapher son troisième exemplaire, craignant visiblement que tout ne soit qu’un mirage et ne disparaisse dans la seconde. Cécile avait les yeux rivés sur le texte sous lequel elle devait écrire ses initiales. Sans réussir à le lire, elle ne voyait qu’un mélange de blanc et de noir. Plus elle fixait la feuille, plus l’image devenait floue. D’un seul coup le texte parut se mouvoir pour prendre une forme bien claire et délimitée. La forme d’un animal. Au début elle crut discerner un chien puis elle se rendit rapidement compte de son erreur. Il s’agissait un félin, plus précisément d’une panthère noire comme sur le pendentif offert par son grand-père. La jeune femme releva alors les yeux de la feuille pour retrouver ses esprit ainsi qu’une vision nette. Elle apposa alors sa signature à la fin de chacun des feuillets comme demandé.

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Commentaires
G
Eh bien, j'aime beaucoup, pas mal de détails qui permettent de bien mettre en place le décor. Ca démarre bien, j'ai noté deux fautes (bouh!) mais j'ai hâte de lire la suite, continue comme ça ;)<br /> <br /> Qui sait, peut-être écrirais-je quelque chose un jour? ^^<br /> <br /> PS : merci pour le lien vers mon Deviantart :D
J
Un grand merci Babiouche pour ce premier message d'encouragement en espérant qu'ils deviendront légion ! Mais Rome ne s'est pas faite en un jour !
B
J'aime ce que tu as commencé, j'ai bien hâte de lire la suite...
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